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TONY PARSONS : extraits

CE QUI EST


Traduit de l'anglais par Philippe de Henning et Dominique Anglesio

 

Extraits
TOUT CE QUI EST
de Tony Parsons

Londres
Octobre 2002

Autant vous prévenir tout de suite, je ne suis pas quelqu’un d’illuminé et personne dans cette pièce ne le deviendra jamais. Il n'existe rien de tel qu'une personne illuminée. C'est une contradiction dans les termes.
J'aimerais ajouter que ce qui se passe ici n'est pas un enseignement, de quelque sorte que ce soit. Il n'est rien qui soit enseigné ici, car il n'est personne ici qui ait besoin d'être enseigné.
Tout ce qu’il y a ici, véritablement, ce sont des amis appliqués à se souvenir de quelque chose. Simplement en train de se rappeler quelque chose qu'il est possible que nous considérions perdu ou égaré. Certains se sont souvenus — et pas mal d'autres aussi dans cette pièce ont eu un parfum ou un aperçu de ce qu'ils s'imaginaient être perdu.
Et la nature de ce que nous pensons être perdu est la présence, l’Etre intemporel. C'est totalement et complètement simple — la chose même dont nous nous languissons plus que toute autre est en fait totalement et complètement simple, immédiate et disponible. Étrangement, la chose que nous désirons par-dessus tout ne nous a jamais quitté.
En termes simples, tout ce qui se passe est que lorsque nous sommes de très jeunes enfants, il y a simplement être, sans le savoir d'être. Il y a simplement existence, être. Et puis quelqu'un survient en disant : « Vous êtes Paul » ou « Vous êtes Marie » — « Vous êtes une personne. » Ensuite, d'une façon ou d'une autre, l'esprit, — la pensée « je », l'identité, l'idée « je suis une personne » — s'empare de l'énergie d'être et l'identifie en tant que Paul, Marie ou je ne sais quoi. Elle accapare l'être et lui donne un nom. Les mots commencent, les étiquettes apparaissent et toute cette idée « moi » se met en branle et devient la principale dominante de la vie.
Si vous regardez le monde apparent dans lequel nous vivons aujourd'hui, tout tourne autour du « moi », tout est centré sur la réussite ou l'échec de « la personne ». Nous grandissons dans la croyance et le raffermissement de l'idée qu'il y a « quelqu'un » et que ce quelqu'un vit une vie qui va durer un nombre donné d'années. Nous sommes embarqués dans un voyage nommé « ma vie », et la chose à faire — nous dit-on — est de faire marcher cette vie. Tout l'investissement réside en « je suis une personne et je dois réussir ma vie ».
Et vous vous retrouvez abreuvé de listes. La première vous pousse à être un bon enfant, celle qui suit à être un bon étudiant... Ensuite, il y a une liste des conditions requises pour être un bon travailleur, habituellement suivie par celle du bon époux ou du bon compagnon. Certains se tournent vers la religion pour tenter de découvrir ce qui manque à leur vie et là encore on leur présente une liste d'obligations à remplir avant qu'ils ne deviennent dignes ou acceptables.
Il y a autant d'idées sur la façon de s'y prendre pour réussir sa vie qu'il y a d'apparentes personnes au monde. Et il y a beaucoup de niveaux subtils de réussite personnelle — certains apparemment négatifs. Pour certaines personnes, assumer une position de victime peut leur sembler un grand succès !
Nous sommes amenés à jouer ce jeu parce que nous pensons vraiment que nous sommes « des gens ». Le rôle « je suis une personne » est adoptée. Vous prétendez être cette personne, et prenez ce jeu tellement au sérieux que vous en oubliez que vous faites semblant — et la supercherie devient tout. Et beaucoup, beaucoup de vies se vivent ainsi jusqu’à la fin. Et c'est très bien ainsi, c'est divin, c'est le jeu divin.
Certains, ayant épuisé toutes ces listes, ont le sentiment qu'il y a encore quelque chose de manquant. L'idée leur vient alors : « Peut-être puis-je trouver ce qui manque par la thérapie, peut-être qu'un thérapeute pourra me dire ce qui ne va pas, ce qui me manque ». Et ils s'embarquent dans une nouvelle liste. Et encore une fois, il y a cette compulsion à devenir quelque chose.
Mais pour une raison ou une autre, rien de ce qui est sur les listes — religion, thérapie ou autre — ne semble fonctionner. Certains entendent alors parler de quelque chose nommé illumination et il leur semble que c'est peut-être là la dernière pièce du puzzle. Ils se mettent en quête et finissent par trouver quelqu'un qui joue au gourou et ils jouent à être des disciples. Disciple et gourou se renforcent l'un l'autre. Le maître qui va vous enseigner comment devenir illuminé devient de plus en plus important et vous vous sentez de plus en plus important puisque votre maître semble de plus en plus important.
Bien sûr, il s'agit encore d'une autre merveilleuse version du jeu consistant à faire semblant. Et une nouvelle liste surgit avec ce scénario — méditation, honnêteté extrême, ou encore être si sérieux à propos de l'illumination que vous pourriez vous jeter du haut d'une falaise... Un des items de cette liste est « être ici, maintenant » — être ici maintenant sans penser. Vous pouvez dévorer tous les livres et vous presser auprès des types qui vous racontent ça... Et vous pourrez réellement être ici, maintenant, environ trois, quatre minutes — et peut-être cinq secondes sans penser !
C'est entièrement un jeu de rôles, et c'est totalement divin. Chaque instant de votre vie jusqu’à ce moment-ci a été absolument, parfaitement divin ; rien n'aurait jamais pu être différent. Votre vie apparente toute entière — tout ce « faire » apparent, tous ces choix apparents — est totalement appropriée et divine.
Mais la notion « vous » se trouve raffermie en permanence. L'accent est mis sur l'idée qu'il y a quelqu'un là. Tout dans le monde met l'accent là-dessus. L'assertion erronée d'un prétendu « moi » se voit renforcée jusque dans la quête pour l'illumination car ce qu'un soi-disant maître va vous raconter, c'est : « J'ai atteint l'illumination, je suis une personne illuminée et vous pouvez également devenir une telle personne. » Vous — ce prétendu « vous » ! Il s’agit d’une totale illusion, d’une illusion absolue, car l'éveil est précisément la réalisation qu'il n'est personne — c'est aussi simple que cela. C'est vraiment totalement et absolument simple, et en même temps très difficile.
L'éveil est la réalisation que tout ce qui est arrivé — toute cette idée qu'il est un « moi » — est un mensonge. En ce moment même, vous êtes occupé à faire semblant d’être assis ici et de me regarder. Vous faites semblant d’être assis ici à me regarder en essayant d'en tirer quelque chose.
En fait il n'est personne d'assis ici et rien à obtenir.
Si vous le voulez, vous pouvez fermer les yeux et sentir l'énergie que vous pensez être « vous ». C'est comme un jaillissement vital... Pour certains, c'est le sentiment « j'existe »...
Mais cette énergie, ce sentiment de « vous » étant là, n'est en fait pas vous. Ce sentiment émanant de qui vous croyez être — ce sentiment de vitalité et d'énergie — c'est être. Simplement être. Vous pensiez que c'était vous — c'est simplement purement être. Ce n'est pas qui vous êtes, — c'est ce que vous êtes. Jamais venu, jamais parti — cela a toujours été là. Ce que vous êtes est simplement être, présence, vie. Vous êtes vie, vie se produisant, mais n'arrivant à personne. Être assis sur cette chaise ne vous arrive pas à vous, — être assis là est ce qui arrive et n'arrive à personne. Il n'est qu'être. Vous êtes l’être même — l’être divin.
Et c'est si frappant car où que vous alliez, il y a être. Quoique vous fassiez en apparence, il y a être. Quoiqu’en apparence vous ne fassiez pas, il y a être. Il y a toujours eu être, quoi que vous ayez apparemment fait ou pas fait, quels que soient la bassesse, la folie, l’ignorance ou l’égoïsme où vous imaginez vous trouver. Tous ces traits naissent en ce que vous êtes, qui est être. Tout ce qu'il y a est être. Et surgissant de cet être il y a l'idée que « vous » existez. Il ne s'agit que d'une idée, de la simple pensée qu'il y a quelqu'un.
Alors, vous le voyez bien, comment est-il possible que quiconque ait besoin de faire quoi que ce soit pour que se produise l'illumination ? Il n'est personne — il n'est qu'être — comment alors personne pourrait faire quoi que ce soit ? Pourquoi personne devrait-il devenir quelque chose, quand tout ce qu’il y a n'est que semblant ? Devrait-il devenir un semblant meilleur ? L'éveil n'a strictement rien à voir avec vous. Vous n'êtes qu'un rôle dans une pièce. Tony Parsons est un simple assemblage de caractéristiques — c'est ce qui est assis ici, un assemblage de caractéristiques associé à un corps/mental. Mais ce que vous êtes est l'être, la tranquillité d'où survient tout ceci. En fait, tout ce qui est assis là est tranquillité, être, présence — appelez-le comme vous voulez.
L'éveil est simplement l'évanouissement d'une idée, d’un semblant, de l’idée d’être quelqu'un. Et il n'est personne ici dans cette pièce qui puisse provoquer la disparition de cette idée. Ce qui se passe ici est qu'à un certain niveau nous dialoguons et que l'esprit tente de comprendre, tandis qu'à un autre niveau il y a un savoir plus profond (que nous connaissons tous de toute façon) qui résonne avec ce qui est communiqué et est en train d'être re-connu.
Une fois ce message entendu, le « moi » s'évanouit tout simplement. L'idée « moi », le semblant du « moi » est absent et il y a ce qui toujours est là — simplement être.
C'est aussi simple que cela. C'est totalement simple. C'est juste là — nul besoin de se rendre où que ce soit. Vous n'avez même pas besoin de le comprendre — pour l'amour du ciel ne tentez pas de le comprendre ! Et ne croyez pas un seul instant que quelqu'un désire que vous le croyiez — cela n'a rien à voir avec la croyance. Ce peut être senti... Il y a simplement jaillissement vital. Il y a la vie, là.
L'esprit voudra discuter de tout ça et c'est très bien ainsi. Si le mental veut en parler ou poser des questions, laissez cela se faire. Ce qui se passe, c'est que les questions restent sans réponses et l'esprit découvre qu’il ne peut aboutir nulle part — puisque ceci est déjà. L'esprit égrène des "Oui mais..." et c'est dans l'ordre des choses. Il n'est pas de questions stupides — si cela vient à l'esprit cela a besoin de sortir et de ne pas se voir ignoré.
Mais quelque part, pris de lassitude, l'esprit voudrait bien laisser tomber. Et au bout du compte tout ce qu'il voit c'est qu'il y a juste ceci — vie.
Si vous fermez les yeux, tout ce que vous trouvez en fait sont des sensations. Une chose se produit à la fois — le corps assis dans une chaise se produit, une brise entrant par la fenêtre se produit, le bruit du papier froissé se produit, les voitures se produisent... Il n'est pas d'histoire. L'histoire que nous pensons être la nôtre n'est qu'une supercherie, car toujours partout et à tous moments, il n'est que ceci. L'histoire que vous avez entendue à propos de votre vie ne mène nulle part. Tout ce qui se produit est simplement l'invitation à voir qu'il n'est que ceci. Que tout ce qui est, est ceci. Pendant tout ce temps, la vie n'a cessé de vous dire : « Regardez, il y a simplement la vie. Il n'est pas d'histoire, il y a simplement vie. »

(un long silence)

Il n'y a donc vraiment rien que je puisse faire pour réaliser cela ?

Ce n'est pas tant que vous ne puissiez rien faire, mais c'est qu'il n'est personne. Et s'il n'est personne, il n'est ni choix, ni faire. Mais des choix et du « faire » apparents apparaissent au sein du rêve de l’illusion. Vous pourriez dire que vous avez la latitude de choisir de vous lever et de quitter la pièce maintenant ou de prendre une tasse de thé plus tard. C'est une apparence de choix. Mais il n'est personne là-dedans pour opérer un choix quelconque. Personne n'a choisi de venir ici aujourd'hui — il a seulement semblé que vous faisiez ce choix.

Lorsque vous employez le mot "apparent" cela donne l'impression qu'il s'agit de l'apparition de quelque chose.

Oui, c'est l'un apparaissant en tant que deux. Il n'est qu'unicité, et vous êtes l'unicité apparaissant en tant que deux. Ceci est le deux apparaissant, mais en réalité il n'y a qu'unicité. Et ceci est l'apparence, le drame de la quête pour l'unicité. Ceci, pourrait-on dire plaisamment, est l'un jouant à être deux, se cherchant lui-même. C'est aussi simple que cela.
Cette apparence que nous avons sous les yeux — le monde et nos vies apparentes — ne va nulle part et n'a absolument aucun but ou signification. Il ne fait que sembler être important, avoir un objectif, un sens et être en route pour quelque part. C'est une parabole. Nous vivons dans une parabole. Le monde et notre vie sont une métaphore. Et en fait, ce qui survient se prête à être considéré comme l’invitation à voir que vous êtes l'un. Ainsi tout ce que nous buvons, mangeons, ce sur quoi nous sommes assis, ce que nous respirons, est l'un nous invitant à voir que nous sommes cela.
En ce moment même, vous êtes totalement immergés dans votre propre invitation. Tout ce qui arrive à vos sens, votre esprit et vos pensées en cet instant même est simplement l'unicité vous invitant à voir que vous êtes cela. C’est tout ce dont il s’agit.

Alors est-ce l'esprit qui s'éveille à la vision que vous êtes cela ? Est-ce le mental qui le voit ?

Non, c’est vu, mais par personne ; c’est la vision de l’être, de l’être intemporel.

En ce moment votre expérience est qu'il n'est personne et que seule existe l'unicité. Que se passerait-il si demain vous contractiez la maladie d'Alzheimer ou une pathologie de ce type par laquelle l'esprit sombre dans le chaos ? Vous ne verriez plus...

Cette vision n'a rien à voir avec l'esprit ou avec moi. La vision de l'unicité vient du rien. Même ce qui est communiqué ici la plupart du temps provient du rien. Ainsi la vision vient du rien et quoiqu'il survienne — y compris la maladie d'Alzheimer ou autre — est simplement ce qui survient.

D'accord, alors vous voyez qu'il n'y a qu'un — je vois deux. Mon esprit voit qu'il y a séparation - pour vous, il n'y en a aucune.

Exact.

Pourtant il n'y a aucune différence entre vous et moi…

Fondamentalement, il n'est pas de différence. Il n'y a qu'unicité. Ceci est l'unicité en train d'apparaître. Il n'est pas de distance entre nous, pas d'espace entre nous ; il n'est qu'unicité.

Mais qui s'éveille à cela ?

L'unicité. L'unicité joue au jeu d'être deux, assoupie, en quête de l'unicité. Lorsque survient l'éveil, ce n'est que l'évaporation de la prise au sérieux de la dualité. C'est tout ce dont nous parlons ici... Toute cette histoire est aussi simple que cela — tout ce qui fait obstacle à l'éveil est une idée erronée. Vraiment. Cette une mystification que vous avez été amené à croire par le jeu du conditionnement. Et lorsque l'idée que vous êtes deux s’évanouit, il y a unicité.


O O O

 

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